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Article de Pierre-Yves BOUVY dans “Le Preventeur” d'avril 2020, n°170, pages 116-18
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TU TE LAISSES ALLER !
TU ES CONSEILLER EN PREVENTION ?
CHANGE TA ROUTINE !

Dans beaucoup d'organisations on demande aux conseillers en prévention d'effectuer toutes sortes de tâches qui dépassent leur mission de base. C'est peut-être dû au fait que certains employeurs voient dans cette fonction davantage un coût qu'une réelle valeur ajoutée et ont donc tendance à confier au conseiller en prévention des tâches complémentaires. Dans d'autres cas, il peut s'agir d'une situation historique où le conseiller en prévention effectuait déjà ces tâches avant sa nomination et on ne s'est ensuite pas posé la question de les redistribuer. Si certaines de ces tâches complémentaires peuvent s'inscrire dans l'esprit des missions du conseiller en prévention, d'autres n'ont parfois rien à voir. Le conseiller en prévention peut dès lors se trouver en porte-à-faux entre ce que l'employeur lui demande de faire, les missions qui sont dictées par la loi et les tâches susceptibles de représenter une réelle valeur ajoutée dans la prévention. Dans ce qui suit, nous allons examiner ce qu'un conseiller en prévention devrait et ne devrait pas faire dans le cadre de son rôle. Ces propositions qui ne sont pas exhaustives et n'ont pas de valeur juridique1) stricte, ne sont pas à prendre au pied de la lettre mais devraient être considérées comme des lignes directrices.

Thématique C'est Ce n'est pas
Formations Aider à déterminer les formations de sécurité nécessaires en fonction des tâches à exécuter Organiser des formations (planifier, réserver les salles et formateurs, inviter les candidats, enregistrer les présences…)
Déterminer, lorsque c'est nécessaire, le contenu des formations de sécurité avec le formateur. Donner des instructions de travail à la place de la ligne hiérarchique
Donner certaines formations et sensibilisations de sécurité en tant que spécialiste de la sécurité, sans pour autant se substituer aux missions de la ligne hiérarchique.
Donner des explications sur la façon dont certaines tâches à risque doivent se faire en sécurité
Rencontrer les nouveaux engagés afin de les sensibiliser à la sécurité
Analyses des risques et plans de sécurité et de santé Analyser les risques et plans de sécurité et de santé Rédiger les analyses des risques et plans de sécurité et de santé à la place de l'employeur ou de son délégué
Examiner avec la plus grande attention les situations complexes (à hauts risques)
Exécution Etre présent sur le terrain afin d'observer les travailleurs et donner du feedback sur les gestes et attitudes sécuritaires Sanctionner le personnel qui n'observerait pas les règles de sécurité
Exécuter les actions correctives à la place de l'employeur, la hiérarchie ou le travailleur
Accidents Evaluer la gravité (potentielle) de chaque accident afin d'y accorder la juste priorité dans l'implémentation des mesures de prévention Effectuer le traitement administratif du “sinistre”, le suivi du dossier accident du travail, réclamer les attestations, les transmettre à l'assureur…
Participer activement à l'analyse des accidents, ouvrir les débats, faciliter les discussions et aider à la détermination des meures de prévention
Emettre un avis (en lien avec le médecin du travail) lorsque du travail adapté est proposé
Communiquer à l'employeur les informations de sécurité devant figurer sur la déclaration d'accident pour l'assurer
Equipements de protection individuelle Rechercher et conseiller sur l'équipement le plus adéquat en fonction des risques Consacrer du temps dans les aspects esthétiques des équipements de protection individuelle, de “branding”, sauf s'ils ont un impact sur la sécurité et la motivation à les porter
Fournir un avis pour chaque nouvel équipement de protection individuelle, notamment par la rédaction d'un rapport de “mise en service” Assurer le suivi logistique (commander, distribuer…) des équipements de protection individuelle
Régler les problèmes logistiques tels que les problèmes d'acheminement, de lavage et de taille des vêtements de travail
Surveillance de la santé Contrôler la bonne exécution du processus, identifier d'éventuels problèmes et formuler des propositions Organiser les visites médicales (convocation des travailleurs, suivi des présences…)
Coopérer à l'aménagement des postes de travail prescrits par le médecin du travail Organiser la vaccination antigrippale
Comité pour la Prévention et Protection au Travail Assurer le secrétariat du CPPT Présider le CPPT
Assister aux séances du CPPT et fournir un avis indépendant et objectif
Equipements de travail Emettre un avis préalable pour chaque équipement de travail Gérer le matériel, la flotte de véhicules…
Etablir un rapport de mise en service pour chaque équipement de travail
Contrôler la bonne exécution des contrôles périodiques (outillage, levage, équipements de protection individuelle, équipements de lutte contre le feu, installations…)
Système de management Participer à la rédaction des prescriptions internes (procédures, instructions…) dans la mesure où elles ont trait à des aspects relatifs au bien-être au travail Ecrire les méthodes de travail opérationnelles
Décrire les processus propres à ce qui relève du Service Interne pour la Prévention et la Protection au travail Assurer le développement et le suivi du VCA (LSC) et encore moins de l'ISO 14001
Environnement Collaborer avec le coordinateur environnemental ou la personne assurant une fonction équivalente dans la mesure où le bien-être des travailleurs est menacé Assurer le rôle de coordinateur environnemental ou équivalent

UNE SITUATION PAS TOUJOURS FACILE A GERER…

Pour le conseiller en prévention, il peut être compliqué de refuser certaines tâches que son employeur lui demande de faire. Et pourtant, il appartient bien au conseiller en prévention de veiller au respect des dispositions légales relatives à ses missions. Il est d'ailleurs protégé contre le licenciement, entre autres pour ces raisons. D'autre part, il n'a aucun intérêt à entretenir une mauvaise relation avec son employeur.

… MAIS PAS DE QUOI DESESPERER

Il existe heureusement quelques astuces permettant de sortir de l'impasse:

→ ASTUCE 1 : se faire désigner à temps partiel par le Comité dans sa fonction de conseiller en prévention afin de pouvoir absorber d'autres tâches sans se trouver en porte-à-faux avec les engagements pris vis-à-vis de celui-ci. Il s'agit de la solution la plus confortable pour tout le monde. On peut recommander à tout conseiller en prévention débutant chez un employeur ou déjà dans cette fonction de se faire nommer et approuver par le Comité à concurrence de 80-90% en tant que conseiller en prévention. Certains seraient tentés de rétorquer “Et ma protection contre le licenciement ?”. A ceux-là, on peut répondre que s'ils exercent la fonction de conseiller en prévention pour bénéficier de deux de salaire en cas de licenciement, c'est qu'ils n'ont pas la vocation et mieux vaut qu'ils fassent un autre métier. Par ailleurs, se faire nommer à concurrence de 80% garantit toujours 80% d'indemnités de rupture en cas de situation extrême, soit l'équivalent d'un peu plus d'un an et sept mois de salaire intégralement payé ! En tout état de cause, le marché de l'emploi permet à tout conseiller en prévention digne de ce nom de retrouver très rapidement un emploi. Enfin, le conseiller en prévention pour lequel on doit arriver au licenciement, sauf situation particulièrement compliquée, devrait se demander dans quelle mesure il n'a pas échoué dans sa mission. LA clé du succès d'un conseiller en prévention réside justement dans sa capacité à maintenir des relations constructives entre l'employeur et les travailleurs, condition nécessaire pour faire progresser ensemble la prévention.

→ ASTUCE 2 : faire inscrire les demandes de l'employeur estimées “illégitimes” à l'ordre du jour du Comité et lui demander son accord pour l'exercice des tâches complémentaires sortant du cadre strict des missions des conseillers en prévention (à valider ensuite en termes de temps de travail comme décrit dans l'astuce 1).

→ ASTUCE 3 : confier les tâches complémentaires à une aure personne qui n'est pas nommée par le Comité, comme par exemple un[e] assistant[e] administrati[f][ve] du SIPP ou un autre service comme les ressources humaines.

→ ASTUCE 4 : lorsque la situation est un héritage du passé (par exemple, lorsque le service interne de prévention a depuis de longues années assumé différentes tâches étrangères à ses missions), proposer à l'employeur un plan d'évolution étalé dans le temps où les conseillers en prévention sont progressivement déchargés des tâches sortant de leurs missions.

Dans tous les cas, il convient de bien expliquer à l'employeur qu'il ne s'agit pas de mauvaise volonté mais bien d'une question éthique (transparence vis-à-vis du Comité) permettant de mieux se concentrer sur la prévention et/ou offrant plus de souplesse à toutes les parties. On veillera à toujours proposer des solutions et des pistes alternatives.

POUR CEUX QUI NE SE SENTENT PAS CONCERNES

Si vous estimez que ce débat ne vous concerne pas (pour des raisons qui vous regardent), sachez qu'il existe un risque pour que le conseiller en prévention et l'employeur soient condamnés pour ne pas avoir accordé l'attention suffisante au bien-être au travail, car ils n'auront pas respecté les accords établis au sein du Comité (qu'ils auront d'une certaine façon trompé). Le risque se présentera surtout en cas d'accident mortel dans une entreprise où la sécurité laisse à désirer et pour lequel les responsabilités seront établies par le parquet. Selon le cas, le parquet sera susceptible de conclure que les deux parties n'ont pas rempli leurs obligations.


1)
Le conseille en prévention se référera à l'article II.1-4 du Code du Bien-Etre au travail Travail pour la bonne observation des tâches prévues par la législation